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Palais de justice

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence

J’approchais de la fin, fin du voyage, des illusions

J’avais déjà beaucoup rêvé

De lieux insolites, réels ou imaginés

Oh, j’arrivai devant le Palais

Non pas le palais des glaces

Ni le grand palais ou le palais idéal du facteur cheval

Encore moins le palais d’été ou le palais Bourbon

Mais le palais de ma ville

Ting, le tintement du tram transperce ma trêve et mes rêves

Je songe à l’arrivée. Tiens, quelqu’un lit L’Odyssée

Comme Ulysse je suis fatigué

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

 

 

 

Presqu’île

En ce temps-là j’étais en mon adolescence

J’avais à peine 15 ans et le tram B m’invitait

Presqu’île de cette fin de ligne, je me lance

Un terminus, une fin où tout commence

Le tram nage dans le béton

Une île en pleine construction

Le bruit des voitures, le rire de mes compagnons

Le grincement des rails, le tram et ses sons

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

Dis, Blaise, où allons-nous ?

Grenoble presqu’île, îles rêvées, îles désirées, îles fantasmées

Constructions qui s’envolent, innovations qui décollent

Pour voir le paysage, à la fenêtre, je me colle

On s’imaginait une île, déception

Ni palmiers, ni sable, ma ville est en goudron

Gares

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence.

Première escale : Gare, gare à toi, gare à vous

Gare de Lyon, gare de Londres, gares du monde

J’avais à peine  15 ans et je m’ennuyais

Mais au loin le Tram B arrivait

Chinatown, Hermès et son café me donnent des ailes 

Les publicités redessinent ma ville.

Dis, Blaise, sommes-nous loin de chez nous ?

Le tingling du tramway perçe les turbulations incessantes de la ville 

Et m’alerte : il est l’heure de regagner ma place.

A la porte du tram B, que de sorties que d’entrées ! Quel tramway !

Une passagère s’assoit à mes côtés, beauté emmitouflée

« Oh toi que j’eusse aimée, Oh toi qui le savais ! »

Enfin le tram nous emporte, la vitesse nous chamboule, nous sommes grisés

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

Sainte-Claire Les halles

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence, 

Sainte-Claire Les Halles, divinité, grand marché, poissonniers

Peu enthousiasmés par cet arrêt

En effet, ce n’était pas New York, ni Sidney

En ce froid lundi matin de Novembre, avec ses magasins fermés

La place était à peine vivante

Stendhal, les vieilles maisons et charpentes

Le ding dong dompteur dont on apprenait l’heure

Les pigeons affamés, les jeunes filles feu-follet

Etes-vous Hélène, Laure ou Jeanne ?

Muses oh combien oubliées ?

Déçus, nous revînmes à l’arrêt et sa réalité,

Coup de klaxon, déjà le tram arrivait

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

Ile verte

En ce temps, j’étais en mon adolescence, 

Le tram B naviguait sur la mer bétonnée

Ile verte, île abandonnée

De Colomb à Crusoé

Je cherche mon trésor caché

Les yeux grand-ouverts

L’hiver a volé le vert

Les clous qui clic et qui clac

Le clang et les cliquetis de la clameur claironnante

Joues rougies

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

Nous sommes ici loin de tout

Arbres crochus, églises abandonnées

Cet élève revenu, retrouvé du passé

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence

Arrivés à destination, c’est l’heure du retour.

Musée

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence

Les portes du bonheur dans un clic clac s’ouvraient

Et, c’est avec une certaine impatience

Qu’au pied du musée, je me retrouvai

Certes, ce n’était pas Paris et son Louvres ami

Mais il suffisait de fermer les yeux et déjà

Picasso, Michel Ange, Monet, Chagall 

Calder et sa sentinelle me saluaient

Soulage et son obscure clarté

Ding dong, le duel des cloches me réveille

Comme des gouttes de bleu, de rouge et de noir corneille

Sur le tableau de ma ville aux merveilles

Le retour du soleil

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

Victor Hugo

En ce temps-là, j’étais en mon adolescence

De ma vie affreuse, j’étais prisonnière

Tout autant que de la ville, ce triste univers

Grenoble, objet de toutes mes réticences

Voilà le broun roun roun de la rouille des roues

Chevrotant sous les chocs de mon charron de métal

Dans la foule et sa promiscuité

Plus seule que jamais

Tout le monde semble s’éclipser

Hugo, tu me donnes la nausée

A l’heure où blanchit ma campagne, je m’en vais

Des inconnus dans un transport serpentin

Des gens différents dans un trajet quotidien

Cœurs de pierre, aveugles à mon chagrin

Solitude des indifférents matins

Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de chez nous ?

LA PROSE DU TRANSTAG

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